Une démocratie mondiale est-elle possible ?

Publié le par Diplomate0669

 

En présence de :

 

  • Alain Joxe, sociologue et directeur d'étude EHESS ;

  • Niels Andersson, ATTAC – Auteur de « Un autre ONU pour un autre monde » ;

  • Alima Moumediene-Thiery, sénatrice ;

  • Patrick Farbiaz ; rédacteur en chef de la revue d'écopolitique internationale « PachaMama »

  • Gérard Onesta, ex vice-président du Parlement européen ;

  • William Bourdon, avocat.

 

Animateur de ce forum, Patrick Farbiaz fait un constat d'entrée : nous le savons, les États nations dans leur forme et dans leur fonctionnement actuel ne peuvent pas résoudre à eux seuls les problèmes auxquels le monde entier est confronté. De plus, s'ajoute gravement la « crise énergétique et climatique ». De façon peut-être légèrement provocatrice, il est possible de se demander et de réfléchir s'il existe une « politique interne mondiale »...

 

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Patrick Farbiaz

 

Le premier à exposer sur ce sujet est Alain Joxe. Il commence tout d'abord par dresser un constat « stratégique ». La crise économique que nous subissons tend à devenir une « crise financière ». Ce sont la transnationalisation et la globalisation qui ont favorisé une société basée sur la spéculation dont les catastrophes naturelles sont en partie significatives. Il coupe court à la tentation de penser que les économies feront un repli vers un fascisme nationaliste tout simplement parce que la mondialisation ne le permet plus – je rajouterais, à long terme – Le souci majeur est donc d' « éviter la guerre, de repérer tous les symptômes visibles, et invisibles, pour la prévenir » et de ce fait s'en préserver. Sa théorie se base avant tout sur une analyse de la puissance américaine, par qui tout passe irrémédiablement. Mais nous sommes en droit de nous poser la question à savoir pourquoi est-ce qu'il existe un « leadership américain » alors que sa notoriété montre pourtant son « incapacité de victoire lors d'une guerre » (Afghanistan, Irak). Il est évident que la dominance américaine est désormais fragilisée. Il faut remonter à la création de l'ONU pour se rappeler que cette institution a transformé les relations internationales à l'époque en un système bipolaire : les États-Unis d'un côté, l'URSS de l'autre. Aujourd'hui encore, il perdure un « lobby militaire » de même qu'une « connivence avec l'industrie de l'armement ». En parallèle, l'OTAN a fait en sorte de fonder un « système sécuritaire global ». En connaissance de ces deux points, revenons sur la puissance américaine qui suit une logique qualifiée de « réaliste » dans les théories de relations internationales du fait que les États-Unis part en guerre dans l'optique de l'empêcher... C'est une politique qui consiste finalement à préserver la supériorité d'un État vis-à-vis d'autres. Néanmoins, il faut savoir que l'ONU dans sa réglementation interdit ce principe de « guerre d'agression ». En ce qui concerne l'Europe, elle se voit privée d'une politique de défense car elle la délègue et la confie à l'OTAN. A la surface du globe, la construction d'armement est faite dans l'optique d'une « guerre possible »... simple mesure de précaution ! En l'état actuel des choses c'est l'ivresse de la modernité par le biais de l'électronique qui fait foi. De plus, l'Europe se voit « interdite de politique sociale » car sa vocation doit être celle de mener seulement une politique économique et financière. La seule évidence qu'a permis l'Europe (en tant qu'institution, et non territoire géographique) c'est la paix entre ses membres. Alain Joxe fini son intervention avec l'idée de doter l'Union Européenne d'un « Conseil de Sécurité Autonome ».

 

La parole est passée à William Bourdon qui pose la question immédiatement de savoir qu'elle est la place de la « société civile internationale ». Son argumentation est bâtie sur la dénonciation du paradoxe actuel : pour la répression des crimes internationaux (génocides, crime contre l'humanité etc. etc.) le jugement est donné par une Cour pénale internationale ce qui fait que les États délèguent une partie de leur souveraineté à la Cour. Pourtant, cette publicisation de la justice doit faire front à une privatisation du monde. Depuis quelques temps, on peut voir que la société civile internationale a gagné en technicité, en professionnalisme et en universalisme. Les Organisations Non Gouvernementales (ONG) ont une forme de reconnaissance d'expertise, ce que l'on peut retrouver dans les textes du Conseil de l'Europe de 2003 qui leur confère un statut « participatif » renforçant celui qui était jusqu'alors « consultatif ». Ce qui est non négligeable quand on sait que près de 20 000 ONG gravitent autour de la nébuleuse européenne de Bruxelles. Pour permettre une plus grande cohérence mondiale et une meilleure transparence, il est nécessaire de procéder à un véritable « partage d'information » afin d'institutionnaliser la capacité critique de la société internationale ouvrant droit de fait à un « partage de décision ». Enfin, pour permettre un meilleur développement et une meilleure action dans un premier temps européenne puis mondiale, il est primordial de rendre plus « légitime les institutions financières » (dans leur mode de mise en place, de procédure et de fonctionnement).

 

Pour Niels Andersson, il s'agit de « mettre l'ONU au centre des relations internationales ». Pour lui, la mondialisation possède ses logiques propres et c'est pour cela qu'il faut s'interroger sur les instruments démocratiques à faire intervenir. Le problème originel des relations internationales c'est qu'il s'agit d'un « système sans tête mais avec des maîtres ». Les relations internationales sont de plus en plus inégales et la fin de l'ONU est liée à cette augmentation croissante de ces inégalités. La première solution est à la fois de « s'opposer aux réalistes » – revendiquant la loi du plus fort – et aux « directoires » – ceux qui s'apparentent davantage à un modèle oligarchique. La légitimité de l'ONU remonte à la fin de la Seconde Guerre mondiale d'où la nécessité d'une refonte du système des relations internationales et de l'ONU. Le but étant de modifier le rapport de force au sein des relations internationales. Enfin, pour Niels Andersson, la démocratie mondiale doit s'exprimer par la vitalité et la conscience de la société civile.

 

gérard onestaGérard Onesta

 

En ce qui concerne Gérard Onesta, c'est toute la « hiérarchie des normes qui est à revoir ». Ses mesures concrètes reposent sur l'idée d'une « parlementarisation de l'ONU » et d'une demande de « pluralité des média libres » doublée d'une plus forte intégration de la société civile notamment en matière budgétaire. Cela revient à ce que l'ONU soit plus en relation avec les peuples. Le problème majeur de l'ONU est son mécanisme faisant appel à de « grands féodaux », problème que ses pères fondateurs avaient sentis d'où l'idée de pondérer les voix au Conseil (exemple : France, 15 et Luxembourg, 2) et de procéder à une représentation parlementaire sur la base de groupes politiques non nationaux. Aujourd'hui, l'Union Européenne a fait beaucoup de chemin puisque il existe la « co-décision » au Parlement, ce qui signifie que cette institution n'a plus seulement un statut consultatif, la décision est possible conjointement sur 70 thèmes des 73 possibles. De plus, pour faire un groupe au Parlement il y a l'obligation qu'il soit transnational. L'idée serait donc de « clôner » ce mécanisme européen au niveau mondial dont la finalité serait la « baisse du choc des égoïsmes nationaux de même que la perte des trop nombreux diplomates » (personnalités non-élues).

 

Pour clôturer ce débat, Alima Boumediene-Thiery s'est dit « beaucoup plus terre-terre que Gérard Onesta et sortir d'une logique utopique ». Elle dénonce un manque de cohérence entre les différentes politiques nationales, régionales et locales. Il y a pour elle un besoin pressant de réformer les institutions. Au niveau européen, le « Conseil de l'Europe détient trop de pouvoir ». Et si l'on veut savoir pourquoi il existe ce trop grand décalage, il faut chercher sa cause du côté de « l'absence de sanctions » car une trop grande impunité existe. Enfin, selon Alima Boumediene-Thiery, il faut « avoir confiance en l'action citoyenne ».

 

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Alima Boumediene-Thiery

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