INSTITUTIONS DE L'UNION EUROPEENNE : l'élan fondateur (2).

Publié le par Diplomate0669

C.M Loïc Chabrier - salle CR06

Mercredi 3 février 14h00 - 15h45.


2°) Le temps des hésitations.


La décennie 1960 est très chaotique pour la construction européenne ce qui tranche considérablement d'avec celle de 1950 où nous avons pu remarquer une véritable dynamique communautaire.

Les années 1960 sont donc décevantes car le Marché Commun doit encore atteindre son rythme de croisière et les circulations politiques sont encore peu favorables. L'année 1965 fera date dans l'histoire de la mise en place des institutions européennes car Charles de Gaulle, représentant la France, l'un des deux grands pays fondateurs de ce qui deviendra plus tard l'Union Européenne, va marquer avec véhémence sa désapprobation et sa méfiance vis-à-vis du fonctionnement des institutions et de leur tournure à venir.


A- La politique de la chaise vide et le compromis du Luxembourg.


Charles de Gaulle va émettre une opposition au sein des Six. Cela concerne le Royaume-Uni. Il refuse tout simplement par deux fois leur adhésion à la CEE, en 1963 et 1967). A chaque fois il s'agit d'une fin de non-recevoir. Ses raisons sont multiples : d'abord une incompatibilité de compréhension des enjeux nationaux respectifs, la dénonciation d'une attitude trop atlantiste ce qui peut constituer un risque pour l'indépendance de la France, la crainte de revendications particulières ayant une incidence sur l'économie française à propos de la Politique Agricole Commune (PAC) dont la France est la principale bénéficiaire (grâce à son industrie agro-alimentaire, 2e mondiale après les Etats-Unis...). Par cette position rigide de la France, le bon esprit communautaire des débuts se trouve soudainement grippé. Charles de Gaulle estime aussi que la Commission prend trop de place et il revendique le fait qu'il ne soit pas partisan de la supra-nationalité.

Un nouveau système de vote s'instaure pour le Conseil des Ministres. Il se veut désormais à la majorité qualifiée par abandon du vote à l'unanimité. Cette mesure signifie que le droit de véto propre à chacun des pays membres disparaît de facto. Charles de Gaulle craint que cette règle soit défavorable à la France. Nous voyons là précisément les limites d'acceptation de Charles de Gaulle du fait communautaire. Il annonce alors que la France ne siègera plus au sein du Conseil des ministres ce que l'on va qualifier de crise politique de la « chaise vide ». Une question s'impose alors : comment sortir de cette crise ? On perçoit très vite un certain affolement du côté de Bruxelles et dès janvier 1966 sera conclut le compromis de Luxembourg. Ce dernier est très ambiguë et considère que sur des sujets comprenant des intérêts très importants pour un État la communauté et les États membres s'efforceront de trouver une solution à l'unanimité dans un délai acceptable. Il s'agit donc d'une déclaration d'apaisement, mais la crise n'est pas réglée politiquement. Cependant le France revient à la table du Conseil des Ministres.

Finalement, la mauvaise humeur de Charles de Gaulle n'aura pas eut de grandes conséquences. Néanmoins cela va marquer profondément la vie communautaire jusqu'en 1969, année où Georges Pompidou succède à Charles de Gaulle. Le nouveau président de la République française n'a pas les mêmes préventions par rapport au principe de supra-nationalité tout comme il n'a pas les mêmes prétentions d'imposer son point de vue aux autres. Reste à savoir si nous pouvons parler ici d'un retour à une dynamique...


B- Un premier élargissement relativement difficile.


Les premiers à se porter candidats sont au nombre de quatre et appartiennent à la zone de l'Europe du Nord. Les candidatures sont déposées au sommet de La Haye en décembre 1969. Il s'agit du Royaume-Uni, du Danemark, de l'Irlande et de la Norvège. L'obstacle pour le Royaume-Uni étant levé, la phase de négociation entre les candidats et la communauté des États membres aboutie à la signature du traité d'adhésion le 22 janvier 1972.

La pénétration sur le continent des produits britanniques sont difficiles. En effet, la Grande-Bretagne n'est plus la puissance qu'elle était. Ses relations avec les pays du Commonwealth se sont dégradées et c'est donc par réalisme que la Grande-Bretagne a demandé son adhésion, plus que par des convictions européennes.

Les États qui contractent sont ceux qui adhèrent et ceux qui sont membres. Par la suite, c'est la Constitution de chacun des États qui prévoit la procédure de ratification d'un traité. En 1972, G.Pompidou choisi la ratification par voie référendaire afin probablement de diviser l'opposition car le PS est favorable à l'élargissement tandis que le PCF est farouchement contre ! Les années 1971-1972 est une période où la gauche tente de se réorganiser. Le PS appel finalement à s'abstenir, ne se prononçant ainsi ni contre ni pour l'enjeu du référendum.

Par la voie référendaire les norvégiens sont les seuls à refuser leur propre adhésion. Cela rend bien compte du décalage qu'il a entre les autorités gouvernementales et l'opinion. 20 ans plus tard nous assisterons au même résultat dans ce même pays...

Le 1er janvier 1973 est proclamée l'adhésion officielle et collective ce qui fait fait que nous passons à l'Europe des Neuf ! La Grande-Bretagne va vite montrer sa mauvaise volonté et demande dès 1974 une renégociation particulière dans les politiques communes. On voit bien de ce fait que les craintes jadis de Charles de Gaulle concernant la PAC se sont avérées fondées... Dans les années 1980 on pourra voir Margaret Thatcher réclamer « son chèque britannique » par l'intermédiaire de cette phrase devenue célèbre : « I want to my money back ! »


C- La relance progressive de la construction communautaire.


La décennie 1970 a été le temps d'une véritable progression de l'Europe. C'est particulièrement à propos de la politique étrangère que l'on constate cela. En effet, il y a la mise en œuvre de dispositions qui vont permettre trois types d'actions.


  • La première réside dans la coopération en matière de relation internationale. Pour cela, il y a des procédures qui ne vont pas jusqu'à la révision des traités mais il s'agit de procédures dites « souples ». On remarque cela notamment avec Etienne Davignon qui œuvre à la fondation de la coopération politique européenne en 1970. Cela se concrétise à l'aide d'accords politiques plus que par une avancée sur le plan juridique : il est prévu des réunions entres les ministres des affaires étrangères dans un premier temps deux fois pas an puis quatre fois par an dès 1972. La coopération et la coordination s'opère donc entre les différents États par l'intermédiaire d'échanges entre les différents ministres. De ce fait, les États membres sont dans une logique de prendre des positions communes. Ce sera par exemple le cas après la guerre du Kippour opposant Israël et Egypte en 1973, de même qu'en 1974 à propos du conflit chypriote et turque ou encore en 1980 lorsque les troupes soviétiques envahiront l'Afghanistan. En définitive, ce qu'il faut retenir c'est qu'il n'y a pas de politique étrangère commune unique, mais qu'il s'agit d'une coopération politique étrangère.

  • Nous pouvons ensuite signaler que c'est un temps de maturation de la politique d'intégration économique. En effet, en 1979 est créé le Système Monétaire Européen (qui fait suite au Serpent Monétaire Européen de 1972). Cela a été introduit pour permettre une certaine stabilité du taux de change entre les différentes monnaies européennes en prévoyant des marges de fluctuation pour les monnaies particulières. Cette action s'est faite par rapport au cour pivot de l'ECU. Ce projet est à mettre à l'initiative du couple franco-allemand par l'entente entre Valérie Giscard d'Estaing et Helmut Schmidt. L'ECU est une monnaie "panier" composée d'un mélange pondéré de douze des quinze différentes monnaies des pays de l'Union Européenne. Chaque jour il y a une nouvelle détermination de sa valeur par la Commission Européenne en se basant sur le dollar. Il n'a pas la fonction de monnaie d'échange entre les particulier. Il s'agit d'un étalon servant à la stabilité des monnaies les unes par rapport aux autres. Dans ce système aucune monnaie n'était privilégiée. L'ECU disparaîtra le 1er janvier 1999, au profit de l'Euro, selon un taux de 1 pour 1. Le SME aura donc été un atout pour l'instauration d'une monnaie unique. Les années 1970 auront connu un fort dynamisme avec des avancées qui préparent le terrain des deux décennies suivantes. A partir de 1980, l'axe franco-allemand s'impose, à l'image des relations entre François Mitterand et H.Schmidt ou H.Kohl.

  • La reprise de l'élargissement se produit avec certaines candidatures provenant des pays d'Europe du sud à partir de la fin des années 1970. Tout d'abord c'est la Grèce qui fait acte de candidature en 1975 dont le traité d'adhésion est conclut en 1979 et entrera en vigueur le 1er janvier 1981. Le cas de la Grèce ne pose aucun problème. Sa démographie est faible (aux alentour de 10 millions d'habitants) et son Histoire est remplie de la culture européenne. En 1976, c'est au tour de l'Espagne et du Portugal de se porter candidat. Il faudra néanmoins attendre 1985 pour que le traité d'adhésion soit signé et son entrée en vigueur aura lieu le 1er janvier 1986. Un constat est manifeste : cet élargissement est différent du précédent. En effet, il y a une forte connotation politique. Ces troix États sortent de régimes dictatoriaux : la « dictature des colonels » en Grèce qui durera de 1967 à 1974, le régime de Franco en Espagne de 1936 à 1975 et le régime de Salazar et Caetano au Portugal respectivement de 1932 à 1968 et de 1968 à 1974. L'entrée de ces pays dans la communauté européenne leur donne la possibilité d'acquérir une maturité démocratique car c'est un moyen de garantie solide pour leurs propres institutions démocratiques. Avec ces entrées, un certain esprit est donné à l'U.E, ce que l'on va avoir du mal à retrouver avec les pays de l'Europe de l'est et de l'Europe centrale. Pour l'Espagne, et le Portugal dans une moindre mesure, cette entrée suscite des craintes et oblige d'importantes adaptations économiques. Leur niveau économique est assez faible et leurs structures sont peu modernisées ce qui impose un investissement commun à haut niveau. Les craintes des pays déjà membres, comme la France, résidaient par exemple en ce que l'Espagne soit un concurrent direct en matière de vin, de fruit ou de pêche. Ces inquiétudes touchaient donc essentiellement l'activité agricole. C'est pour celaque l'on verra dans les milieux agricoles du sud de la France une opposition très nette quant à l'entrée de l'Espagne dans l'U.E.


Avec la Grèce, le Portugal et l'Espagne on peut voir qu'il y a un recentrement géographique de l'Europe. La France en devient son centre, à la fois géographiquement mais aussi culturellement, car elle se trouve au carrefour de tous les échanges européens. Les craintes n'étaient donc pas justifiées car des marchés nouveaux se sont finalement ouverts. L'Espagne aujourd'hui a presque atteint le niveau du PIB moyen des États membres de l'U.E. A titre d'exemple, l'Espagne en est à 95% alors que la France en est à 120%.

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